Churchill écrivain : un avant-goût

"L’aspect de la ville de Mumbasa qui s’élève depuis la mer et se drape de formes et de couleurs à mesure que le navire s’en approche rapidement a quelque chose d’attrayant, de délicieux même.

Mais pour apprécier tous ses charmes, il faudrait que le voyageur arrive par la côte nord-est africaine. Parti de Venise en bateau, il faudrait qu’il voie les pierres surchauffées de Malte cuisant et scintillant sur un méditerrané bleu acier.

Il faudrait qu’il visite l’île de Chypre, avant que les pluies d’automne n’aient ravivées la terre. Quand la pleine de Messaoria est un vaste désert de poussière, (il se lève avec le livre en main) quand chaque arbre ne serait-ce qu’un buisson épineux est un trésor de famille et chaque goutte d’eau une pierre précieuse.

Il faudrait qu’il marche pendant deux heures en plein midi dans les rues de port Saïd. Il faudrait qu’il parcoure le long ravin rouge du canal de Suez. Et qu’il étouffe de chaleur dans l’abreuvoir de la mer rouge.

Il faudrait qu’il passe une journée au milieu des cendres d’Aden et une semaine parmi les pierres et les rochers calcinés du nord de la Somalie.

Et puis après 5 jours en mer, son œil et son esprit seraient enfin prêts à saluer avec une reconnaissance radieuse ses rivages d’un vert vif et exubérants. De tous côtés surgit une végétation humide, tumultueuse, variée. De grands arbres, des herbes hautes qui ondulent, des taches brillantes de bougainvilliers violets et au milieu de tout cela, clair semé, parvenant à peine à maintenir la tête au-dessus du flot fertile de la nature, les maisons aux toits rouges de la ville et du port de Mumbasa."

Extrait de Mon voyage en Afrique" (1907 - collection Jean-Claude Zylberstein)